Une.Tortue

Carapace de mots

[Mardi 27 novembre 2012 à 11:01]

J'en ai l'envie depuis plusieurs semaines maintenant. Depuis que j'ai déménagé en fait et que la question cruciale s'est posée. çà a été l'une des plus compliquées à résoudre de tous mes cartons. L'une, parce que des choix, il a fallu que j'en fasse quelques uns. Mais elle a été particulièrement épineuse.

Il faut savoir que nous devons avoir bien un millier de livres chez nous. Si, si. En comptant les bibliothèques, les doubles rangs, les piles empilées un peu au milieu du vide dans ma chambre, cachés derrière des tableaux, sous les lits, dans les tiroirs. En allant chercher au milieu des vêtements. Partout. Un millier de livres se serrant les uns contre les autres pour faire de la place au suivant. Plus tard, je sais que j'aurais (comme beaucoup de gens le veulent, et çà, il est vrai que çà me chagrine un peu. D'être "formatée") une bibliothèque murale. Qui courra tout le long d'un pan de mur et qui sera remplie à craquer de livres. Que j'aurais tous lus. 

La lecture, dans la famille, a toujours été un sujet à controverses. Plusieurs. Mes frères et soeurs n'aiment pas lire. Ils sont incapable de se plonger dans un livre. Incapable de s'accrocher aux pages. Incapables de s'accrocher au personnage principal. Ils lisent.. Les livres obligatoires en français. Mes parents n'ont jamais eu le temps de vraiment lire non plus. Et au milieu de tout ce joli monde, il y a moi. La fille pouvant passer tous ses samedis après midi à la bibliothèque. A guetter la jeunesse. Et puis l'Adulte. J'en ai lu des livres là bas aussi... J'étais la lectrice. Celle qu'on couvrait de livres. Qu'on essayait d'ouvrir à de nouveaux horizons. Offrir un livre, je trouve que c'est un cadeau à la limite de l'intime. Et c'est bien pour çà que je n'ai jamais réussi à lire le seul livre que mon père m'ait jamais offert. Vous voyez, un peu?

Et maintenant que mon statut de Lectrice est confirmé, la nouvelle bataille est le budget que j'y consacre. çà crie fort dans les chaumières quand je reviens de la Fnac (oui, la Fnac. çà doit être mon magasin préféré après Nature et Découvertes, ne vous en déplaise. J'aime y acheter mes livres. Pour l'ambiance, l'arrangement, les mises en avant, tout çà. Et j'ai pas de bouquinistes chez moi) Je suis toujours à caresser les cotes de livres, tourner au résumé quand le titre me plait. Je regarde les petits coups de coeur inscrits. Je ferme les yeux devant les grands formats. 

Ma plus grande bataille contre moi même a été quand j'ai attendu la sortie en poche de Quand souffle le vent du Nord, de David Glattauer . Ce livre m'avait percuté de plein fouet à l'Ouverture Inopinée. J'avais été claquée. Mais j'avais tenu. Parce que les Poche tiennent dans une Poche. Que les Grands sont bien trop chers pour ce que c'est. Quand je suis arrivée à la caisse avec le Poche, quelle.. satisfaction (qui me parait trop froid, trop réglementé mais juste..). On pourrait dire aussi le Soulagement.

Et ce livre, je ne l'ai pas encore fini. Des mois et des mois que je lis de paragraphes en paragraphes, me retenant d'aller plus loin trop vite. Parce qu'une fois qu'il sera fini.. çà sera fini. Il est de ces livres dont on veut garder le Premier Frisson intact. Il est de ces livres qui vous passent des rires aux larmes au détour des virgules et des sauts de ligne. 

Mais aujourd'hui, je ne veux pas vous parler de Quand souffle le vent du Nord. Il aura sa place, plus tard. 

Aujourd'hui, j'entame le Marathon de Mes Livres avec La Consolante, d'Anna Gavalda. 

Dans les blogs bien tenus, le résumé est donné après Résumé:, puis l'avis de la lectrice est donné en suivant Avis:. Je ne ferai pas comme çà. Surement parce qu'il n'y a pas de Résumé sur la quatrième de couverture de mon livre à moi.

D'ailleurs, si vous ne savez pas quoi m'acheter pour Nowel, je veux bien un second exemplaire. Mon Premier est tellement usé que j'en suis à lui scotcher les bords.. Et çà me fait mal au coeur. Mes livres sont mes trésors. Et lui est surement le plus beau de tous.

Anna Gavalda. Auteur ô combien controversée elle aussi! On s'est écharpé à son sujet. A la définir ou non comme un génie de l'Ecriture. D'un côté, les réfractaires au Génie. Disant combien ses livres ne racontaient rien, ne vivaient pas, ne faisaient pas de leçon, ne respectaient pas les règles. Et je pense que l'attaque la plus fondée chez eux est cette dernière. Anna Gavalda ne respecte pas les règles. Elle écrit comme elle parlerait. Anna, pardon de la familiarité, ne respecte pas les règles. Accumule les points, les virgules, les points de suspension. Elle accumule tout çà au milieu des phrases. Casse, découpe, tranche. Rattrape. Relance au loin. Elle magouille, dévoile et cache. Elle parle et on ne sait pas toujours de quoi.

çà fait.. 5 ans que j'ai ce livre. 5 ans que je le lis et relis. 5 ans que j'en découvre à chaque lecture.

Cette femme est une Merveille de l'Ecriture. Ne comptez pas sur moi pour parler Proportionnel et Raisonnabilité. Pas quand on touche à ce point là à la Maitrise.

Cette femme glisse à chaque page et paragraphe toute sa culture. Culture que je reconnais de plus en plus au fur et à mesure que je grandis et que je m'ouvre au monde. Elle fait avancer son lecteur. L'accompagne sur des années. Lui apprend à chaque page tournée ce qu'elle sait. A travers un bonhomme bien cabossé et bien amoché, je nomme Charles. 

Charles, quarante sept ans, un peu gros au début, un peu chauve aussi au début, bien démoli aussi au début.

Oh et puis non, je ne peux pas vous raconter. C'est l'histoire de la Vie, d'accord? L'histoire d'un homme amoureux fou d'une femme. Amoureux d'une façon de vivre, d'une façon d'aimer. Une histoire d'amour impossible achevé ou devrais-je dire, commencée par la Mort de cette femme. On commence par glisser. On glisse, on s'effrite, on se désintègre avec Charles. Et puis ensuite, arrivés en bas de la piste, on le suit, main dans la main avec lui et on se dirige vers les tire*fesses. Ben oui, parce que la remontée ne vaut pas le confort d'un télésiège. Il a pas fini de risquer de tomber notre homme. Alors on monte. On a mal aux fesses, on est pas confortables et pourtant, on continue de monter. On rit, on pleure. On mange à leur table, on se sert de leur vin. On compte avec eux les animaux. On compte avec lui les échecs et les ratés. On suit avec lui, la ligne de mots qui suit la ligne de son corps.

On vit la Révolution d'un Homme. D'un Homme qui comprend d'un coup ce qu'est la Vie. A qui l'auteur autorise le droit au bonheur.

C'est une histoire de Bras Cassés. De Mâchoire désartibulée. De Savoirs Infinis. De Créations. De Générosité. De savoir vivre. 

Une histoire en morceaux de phrases. Où tout est sous entendu plutôt que dit clairement. Les phrases sont découpées, rafistolées avec du scotch au fur et à mesure que Charles s'emmitoufle de compresses stérilisées. 

Il y a Charles, Anouk & Kate. On peut ajouter Claire, Nounou et Alexis. Ainsi que Marc et Ken (!). Mention spéciale aux deux soeurs de Charles et à Corinne. Viennent ensuite Mathilde, Samuel, Yacine, Alice, Nedra et Harriet. Et puis les animaux. Le Grand Chien, Hideous et Cie, le Lama, la petite chèvre qui tient dans un saladier. Et ensuite, le lieu relié au monde par un pont qui s'écroule, à 500 km de Paris. 

Alors les détracteurs de Madame Gavalda peuvent bien aller se rhabiller. Si on sait lire entre les virgules et les images, si on arrive à construire par son imagination, la représentation de là où elle veut nous emmener, on comprend que cette femme est un Génie. Une plume rare et unique. Qui prend le quotidien là où il est et qui le porte aux nues de la littérature. Elle n'appartient à aucun genre. Elle fait des êtres sanguins, de chairs et d'os à partir de mots. Elle les construit avec leurs casseroles, leurs sourires de guingois et leur côte cassée. Elle fait pleurer des hommes avec une colombe empaillée. Elle déplace des cerceuils. Elle nous fait grincer des dents, nous serre la gorge, nous fait pleurer et dieu.. Qu'elle nous fait rire aussi.

Ces mots, ces phrases. Ses mots, Ses phrases sont des pépites. C'est le premier et le seul (il me faut réellement un nouvel exemplaire) où on peut trouver des marques pages, des post-it sur les pages, des coups de crayon énergiques et même des morceaux de vies gribouillées dans les marges. Ce livre est à l'image de ce qu'il contient.

Il faut savoir que ce livre est resté longtemps au début sans être ouvert. Je l'avais commencé trop jeune, n'avait pas accroché. M'étais perdue au détour de la virgule de trop, de l'Allusion Culturelle Incomprise de trop. Je l'avais laissée. Trésor au milieu de la poussière. Et puis un jour, je me suis lancée. Et quelle claque.. ....

Et ce livre est une flamme qui ne s'éteint jamais. Le frisson, l'ébahissement est toujours intact cinq ans plus tard..

Je pourrais vous citer des passages. Et en même temps, je ne pourrais pas. Parce que ce serait vous citer tout le livre. Alors à l'intérieur de tout ceci, que choisir..

 
... Puisque Tout est histoire. 
La Consolante, Anna Gavalda

Avis sur la question

Mettre son grain de sel

Par Anesidora le Mercredi 28 novembre 2012 à 16:53
Je crois que c'est la première fois que je lis un avis écrit comme ça, qui me donne réellement l'envie de lire un livre. Si un jour j'ai l'occasion je l'achèterai pour le lire, parce que tu m'as vraiment donné envie pour le coup. J'adore les auteurs qui se démarquent comme ça, et qui ne suivent pas les nombreuses règles qu'on impose en écriture.

Merci pour cette petite découverte. Je réserverai une partie de mon premier salaire pour m'en acheter un exemplaire. :)
Par Z_ le Mercredi 28 novembre 2012 à 20:56
C'est vrai qu'il y a quelques livres que j'ai lu très très lentement exprès ("Paris est une fête" par exemple)

Et pis sinon, les livres c'est bien. Je suis malheureux quand je ne peux pas lire. Et je pense que les bibliothèques sont une sorte de paradis (et il se peut que l'inverse soit vrai aussi) [c'est peut être une citation connue aussi...hum]
Par Kyra le Jeudi 29 novembre 2012 à 17:12
C'est bien la première fois que je lis un avis aussi.. vivant. Tu vis le livre, il est gravé en toi, il te bouleverse.. C'est fou. Et c'est surtout beau.

Je comprends pas qu'on puisse encore engueuler les gens qui aiment lire et préfèrent dépenser leur argent là d'dans plutôt que dans le dernier jeu vidéo à la mode..
Par Le.souvenir.d.une.etoile le Mercredi 19 décembre 2012 à 10:34
je m'arete là pour le moment .. je reviendrai finir ma lecture plus tard.
Par Le.souvenir.d.une.etoile le Mercredi 19 décembre 2012 à 20:35
j'ai relu la suite (la septième vague) et c'est toujours la même sensation ..
 

Mettre son grain de sel









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